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FISCALITÉ : UTILISER L'EXISTANT, EN ATTENDANT MIEUX

Moyenne triennale, DPI, DPA : autant de dispositifs qui permettent un certain lissage des prélèvements obligatoires. Mais l'incitation à l'épargne de précaution reste insuffisante.

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BEAUCOUP D'OUTILS EXISTENT DÉJÀ en matière de fiscalité agricole. Il faut commencer par les utiliser au mieux. Rappelons que les prélèvements obligatoires représentent environ 40 % du revenu. C'est donc un point à ne pas négliger. « En matière de fiscalité, le bonheur est dans le changement ! Il faut construire des trajectoires qui s'enchaînent dans la durée afin de tirer profit au maximum des opportunités et de réduire les prélèvements obligatoires », lance Guy Lemercier, chez Cogédis.

Cela suppose d'être bien informé, car les règles fiscales peuvent changer. Il rappelle qu'en agriculture, il existe une différence entre le revenu et la trésorerie. Or, les prélèvements obligatoires sont calculés sur le revenu, mais sont plus ou moins faciles à payer en fonction de la trésorerie disponible au jour de l'échéance.

Pour lui, la fiscalité devrait évoluer de manière à réduire cet écart, qui va poser des problèmes de plus en plus importants dans un contexte de volatilité des prix. Néanmoins, des dispositifs pertinents peuvent aider à gérer la volatilité des prix. La moyenne triennale fiscale et sociale constitue un très bon outil, selon lui, face à la volatilité car elle permet un lissage des revenus et donc des prélèvements obligatoires.

DES DÉDUCTIONS POUR ALÉAS OU POUR INVESTISSEMENTS

Mais au CER Manche, Jean-Marie Séronie ne partage pas cette analyse. « La moyenne triennale a été conçue pour limiter l'impact des années exceptionnelles. Elle conduit à une fiscalité qui peut être déconnectée de la situation du moment. La volatilité imposerait plutôt une fiscalité proche de la réalité chaque année afin que les prélèvements obligatoires correspondent à la capacité financière de l'exercice. »

Les déductions pour aléas ou pour investissements (DPI, DPA) présentent un intérêt. Il s'agit de sortir une certaine somme du résultat avant impôt afin de constituer une provision. Celle-ci pourra être utilisée dans les sept ans pour faire face à des situations ou à des investissements particuliers. Depuis 2012, il n'est plus possible de les utiliser pour acheter du matériel ou pour investir dans les bâtiments. En effet, ce système incitait à un renouvellement rapide, et donc coûteux, du matériel. Des dérives ont également été observées en matière de construction de bâtiment, notamment pour le stockage du fourrage ou du matériel.

Avec l'agrandissement des effectifs d'animaux, il convient de bien choisir son régime fiscal car il a des répercussions sur l'évaluation des stocks.

« La valorisation du troupeau nécessite une approche méthodologique experte afin d'éviter une surévaluation du troupeau qui peut avoir un impact sur le revenu », explique Guy Lemercier. Mais selon la FNPL, les DPA, notamment, sont assez peu adaptées à l'élevage laitier. Dans les productions à cycle long, il est difficile de mesurer les aléas économiques et donc de se trouver en situation de débloquer les déductions pour aléas. C'est plus simple pour les cultures puisque la comparaison des rendements entre années révèle les écarts. C'est pourquoi la FNPL milite pour une nouvelle évolution des DPI et DPA. « Nous souhaitons que les éleveurs puissent utiliser les DPI pour investir dans des bâtiments productifs, tels les salles de traite ou le logement des animaux », explique Solenn Levron, à la FNPL. Cette demande pourrait être prise en compte dans la loi de finances de 2016.

L'État souhaite en effet d'abord analyser l'impact des évolutions de 2012 pour voir l'utilisation réelle de ce dispositif. Compte tenu du délai possible de sept ans pour réintégrer les provisions, il faut attendre pour effectuer un premier bilan.

LE PLAFOND DE 27 000 € PAR AN DÉSORMAIS MULTIPLIABLE PAR QUATRE AU MAXIMUM

Mais d'autres évolutions fiscales ont été décidées dans la foulée des assises fiscales organisées en 2014 par la FNSEA. Elles figurent dans la loi de finances 2014. Ainsi, le plafond des déductions pour aléas ou pour investissements, qui était fixé à 27 000 € par an et plafonné à 150 000 € pour une exploitation sur sept ans, a changé. Désormais, ce plafond est multiplié par le nombre d'associés, avec un maximum de quatre, pour les Gaec et EARL. De plus, le montant des pénalités, qui s'applique en cas de non-réintégration dans les sept ans, n'est plus de 4,80 % mais correspond désormais au taux d'intérêt légal, soit 0,93 % pour le premier semestre 2015. En revanche, la pénalité reste fixée à 4,80 % en cas d'utilisation non conforme de la déduction pour aléas ou pour investissements.

D'autres outils existent mais restent peu utilisés en agriculture. Le Crédit agricole constate par exemple que le crédit-bail est rare chez les éleveurs alors que d'autres secteurs économiques y recourent largement. Il s'agit d'un mode de location de matériel qui inclut une option d'achat à la fin. Les loyers payés sont déductibles, ce qui est un avantage. Leurs montants peuvent être modulés selon les années.

Au CER, Jean-Marie Séronie estime que la fiscalité ne va pas assez loin dans l'incitation à la constitution des réserves de trésorerie. Selon lui, la part de revenu qui est laissée dans l'entreprise ne devrait pas être fiscalisée. « Sans aller jusqu'à l'adoption de modalités identiques à celles des entreprises non agricoles, il faudrait au moins assouplir les règles pour faciliter la création de provisions. »

Bien utiliser cette palette d'outils suppose de bien la connaître, ce qui n'est pas simple. Ou alors, il est indispensable de s'appuyer sur un bon conseiller.

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